Travailler en breton c’est possible ? 5


Le marché du travail en langue bretonne.Si l’existence de la langue bretonne n’est un secret pour personne (tout du moins en Bretagne), le marché du travail en breton reste encore un mystère pour beaucoup de Bretons. Pourtant avec 200.000 locuteurs, plus de 16.000 enfants scolarisés en langue bretonne tous les ans et près de 4.000 adultes apprenant le breton chaque année, il y a un marché énorme de services et produits commerciaux en breton.

Et c’est sans compter les millions de Bretons non brittophones attachés à la langue bretonne qui achètent également des produits mettant en avant la langue bretonne, ainsi que tous les emplois de service qui découlent de ces nouveaux besoins (informatique, comptabilité, traduction…).

« Pa brener ur produ, e prener ar bed a ya assambles gantañ »
(Quand on achète un produit, on achète le monde qui va avec).
Alain Glon (Patron breton, président de l’Institut de Locarn)

L’enseignement plus gros recruteur, mais pas que…

Le marché du travail en breton par l'Office publique de la langue bretonne.Dans son rapport de 2012, l’Ofis Publik Ar Brezhoneg (Office Publique de la Langue Bretonne), dressait un premier portrait des emplois qui existent et nécessitent la maîtrise de la langue bretonne. Sans grande surprise, sur les 1300 emplois ETP (Équivalent Temps-Plein) concernés en 2012, 79,5% étaient dans le domaine de l’enseignement public ou privé. Le reste des emplois se répartissait entre la Gestion des structures associatives (8,8%), les Médias en breton (3,5%), la Culture et Edition de livres (2,8%), l’administration publique (1,5%), l’Industrie et le commerce (1,4%), les Arts et Spectacles (1,4%), et enfin la Santé et Services à la personne (0,9%).

Depuis 2012, le nombre d’emplois augmente, et la part de l’enseignement diminue doucement. Même s’il s’agit toujours du domaine qui recrute le plus en langue bretonne, de nouveaux secteurs se développent, dans le domaine des médias, des nouvelles technologies et des structures associatives. A vrai dire, tous les métiers peuvent s’exercer en langue bretonne, certains parce que cela fait partie du travail et d’autres parce que cela apporte un plus à la profession.

Zoom sur ces nouveaux métiers en breton

L'audiovisuel en langue bretonne.

L’audiovisuel : En 2012, s’est lancé le premier service de Vidéos en Ligne intégralement en langue bretonne (voir dans Ouest-France). Nommé « Breizh VOD », ce service propose plusieurs centaines de vidéos en breton à regarder en streaming, à télécharger, ou à commander en DVD. Une sorte de Netflix dédié au breton pour ceux qui veulent visionner des films, documentaires, dessins animés, ou bien encore des séries en breton.

Mais avant de vendre ces vidéos, il faut qu’elles soient doublées en breton, ou même tournées en breton. C’est ainsi que de nombreux métiers de l’audiovisuels ont commencé à prendre de l’ampleur ces dernières années (acteurs, doubleurs, réalisateur, ou même animateur télé…).

L’édition : L’édition en langue bretonne est avec l’enseignement le secteur de recrutement le plus ancien. Pourtant dans ce domaine aussi, beaucoup d’évolutions se sont produites ces dernières années. Il existe plus de 300 maisons d’édition en Bretagne, dont plusieurs dizaines éditent des livres ou revues en breton, et 6 maisons d’éditions produisent uniquement des livres en breton. Là aussi, avec les nouvelles technologies, les nouveaux métiers en breton ont fait leur apparition, depuis l’informaticien chargé de réaliser et alimenter le site web, au maquettiste qui s’occupe de la mise en page, sans oublier les auteurs des livres ou les traducteurs.

L’administratif : De plus en plus d’entreprises ou d’associations travaillent entièrement en breton, le breton y est la langue de tous les jours, et nécessairement des nouveaux emplois sans rapport immédiat avec la langue bretonne font leur apparition. La secrétaire, en charge de répondre aux clients qui parlent breton ou de gérer les plannings des salariés, le comptable, l’assistante de direction ou encore la documentaliste.

« Parler breton est parfois indispensable en comptabilité selon vos clients, mais peu de gens y pensent. La première fois que mon patron a reçu les factures d’un nouveau client qui ne travaillait qu’en breton, ça a été la panique à bord. Impossible de comprendre et de classer les documents sans comprendre le breton. Heureusement je parlais un peu breton et le client nous a aidé, depuis j’ai suivi une formation pour améliorer mon niveau de breton, et je suis désormais responsable de nos clients qui utilisent la langue bretonne dans leur travail. »
Jean-Luc P (comptable dans un cabinet rennais)

Un réseau très spécifique

Pôle Emploi en breton ? C'est pas pour demain....

Pôle Emploi en breton ? C’est pas pour demain….

Le monde des offres d’emploi en langue bretonne reste encore réservé à un réseau très spécifique de sites web bretons et d’organismes de formation en breton. Les employeurs souhaitant recruter quelqu’un ayant une connaissance du breton n’ont pas encore le réflexe d’aller déposer les offres d’emplois sur les sites généralistes. Par exemple en recherchant sur le site spécialisé dans les offres d’emplois du numérique Les Jeudis, on trouve différentes offres d’emplois du numérique où l’anglais est demandé, mais pas le breton (alors qu’il y a pourtant des besoins pour la création de site web, pour des graphistes…).

Mais le gros problème pour les offres d’emploi requérant le breton, c’est Pôle Emploi.

A l’heure de la rédaction de cet article, on peut trouver en ligne plus de 100 offres d’emploi nécessitant la maîtrise de la langue bretonne, réparties sur les différents sites qui les relaient (Stumdi, Labour ‘Zo, L’Office publique de la Langue Bretonne…), mais pas sur Pôle Emploi.

« Lorsque je me suis retrouvé au chômage suite à la mutation de ma femme, j’ai pensé à utiliser mes quelques compétences en breton. Lors de mon premier rendez-vous avec Pole Emploi, j’ai indiqué que j’avais quelques notions de breton afin que cela apparaisse dans mon profil pour les employeurs intéressés, mais le logiciel de Pole Emploi prenait en compte des centaines de langues mais pas le breton. C’est tout de même assez paradoxal que Pole Emploi me permette d’indiquer mon niveau dans des langues étrangères pour lesquelles il n’y a aucune offre d’emploi, mais pas pour le breton où il y a du boulot. »
Gwilherm C (En formation pour devenir professeur en breton)

Pôle Emploi ne permet même pas à l’heure actuelle d’effectuer une recherche d’offre d’emploi demandant un niveau en breton… Essayez donc d’aller vous même chercher du boulot en breton, et vous aurez droit à une jolie erreur vous indiquant « Merci de bien vouloir sélectionner une langue parmi celles proposées [par Pôle Emploi]« .

Impossible de chercher un emploi en breton sur Pole Emploi.

Impossible de chercher un emploi en breton sur Pole Emploi.

Se former à parler breton c’est possible !

Forum du marché de l'emploi en breton.

Forum du marché de l’emploi en breton.

Tous les ans plusieurs centaines d’adultes se forment à parler breton en vue d’une activité professionnelle. Ils suivent alors des formations intensives à temps complet s’étalant sur 6 à 9 mois, permettant à la fin de passer un diplôme d’état (Le DCL, Diplôme de Compétence Linguistique), ou d’être embauché directement dans des écoles pour ceux qui suivent les formations du réseau associatif pour l’enseignement Diwan.

Les centres de formations professionnelles en langue bretonne (Stumdi, Roudour, Skol an Emsav) voient leurs effectifs évoluer d’année en année. Mais c’est très difficile de prévoir l’évolution du marché du travail en breton. Tous les ans, des marchés de l’emploi en langue bretonne sont organisés pour faire découvrir les métiers qui recrutent.

Cette année, le centre de formation Stumdi organise par exemple son forum de l’emploi en breton le 9 mars à Landerneau. Au programme des administrations publiques, des professionnels de l’audiovisuel, des métiers de l’animation, des médias radios télé et journaux, des maisons d’édition, mais aussi des métiers de l’agriculture, et bien évidemment l’enseignement.

Alors et vous, prêt à apprendre le breton et changer de vie professionnelle ?


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5 commentaires sur “Travailler en breton c’est possible ?

  • kerzhitdagachat

    bravo pour ce bel exercice d’auto-congratulations, mais l’objectif est manqué quand on voit le niveau des salaires. Faut être soit prof (et accepter l’insécurité du CDD) soit un crève-la-faim à 500 euros en contrat-mendiant.
    Dans n’importe quelle autre langue, la maîtrise linguistique est payée, mais celui qui parle breton doit se nourrir de son militantisme.
    Alors je passe mon tour, merci.

    • Culture Bretagne Auteur de l’article

      L’article est objectif, bien plus que votre commentaire en tout cas.

      Les postes dans l’éducation sont payés exactement comme pour le français, et en dehors de l’éducation tout dépend du poste, mais les salaires correspondent au marché. La langue bretonne apporte surtout des opportunités professionnelles.

      On peut certes déplorer que la maîtrise du breton ne rapporte pas (encore) plus financièrement parlant, mais de là à parler d’être un crève la faim à 500€ par mois il y a une marge. Surtout au moment où l’agrégation devient possible en breton permettant ainsi de gagner + d’argent lorsqu’on maîtrise le breton dans l’éducation nationale.

      • kerzhitdagachat

        Faux.
        Les postes de profs proposés sont des postes en CDD, donc beaucoup moins payés que les fonctionnaires.
        Les profs fonctionnaires eux-mêmes sont payés au même tarif que les profs ordinaires (allez donc discuter temps de travail avec les profs bilingues, qui préparent sans disposer de manuels). Pour info, les enseignants qui ont une spécialisation (handicap, FLE, EPS, etc. et même les profs principaux) sont payés plus pour reconnaissance de leur spécialisation. Pas les enseignants bilingues. Ceci est vrai aussi pour les ATSEM bilingues. Ces personnels ont pourtant un « plus », et les mêmes personnels francophones ne peuvent pas faire leur travail.
        C’est vrai également pour les animateurs et directeurs de centres.
        Les contrats « aidés » à 20 heures par semaine ne permettent à personne de vivre décemment, avec aucun espoir d’être embauché en CDI ensuite : les écoles passent d’un CUI-CAE à un autre, sans jamais pérenniser.
        L’agrégation ? oui, bien sûr. Mais quel pourcentage de la totalité des salariés en langue bretonne dans le domaine de l’éducation sont en capacité de la passer ? ça ne va pas être grand monde, je n’appelle pas ça un progrès, juste un bonus pour les mieux placés dans l’emsav qui aiment les breloques. Le progrès, ce sera quand parler breton sera payant pour la majorité, sinon pour tous. Tant que ce ne sera pas le cas, l’agrégation ne sera qu’un gadget.

        • Culture Bretagne Auteur de l’article

          Vous confirmez donc exactement ma réponse précédente.

          Oui c’est dommage que la langue bretonne ne soit pas plus valorisée à l’heure actuelle, cela va venir petit à petit, mais pour l’instant lorsqu’on travaille en breton nous sommes aux mêmes salaires et mêmes conditions que l’équivalent en français. Les conditions que vous citez pour les profs du privé ou les ATSEM sont les conditions liées au métier (qu’importe qu’il soit pratiqué en français ou en breton).

          La valorisation va arriver petit à petit avec des signes encourageants comme l’agrégation, et dans le privé la spécificité des postes et le peu de candidats fera l’affaire ou à défaut ouvrira des opportunités.
          En ce moment vous trouverez par exemple des offres d’emplois pour un directeur pour Div Yezh Breizh, un directeur pour la fédération SKED, ou un chargé de production pour une chaîne de télé en breton.

          Tous ces postes sont en CDI, bien payés… etc etc … bien loin des postes de crève la faim à 500€